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Les Jours, les Vers et les Années par Laurent Desvoux
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3 mai 2019

6 textes de Laurent Desvoux-D'Yrek pour concours Nouvelles du RER B et photos remise des prix au CNL avec D. Picouly !

   

MES 6 RÉCITS AD HOC POUR CONCOURS DE NOUVELLES

DU RÉSEAU EXPRESS B, RENCONTRE ETANT LE THÈME

 

     Concours de nouvelles du RER B, deuxième édition, thème La Rencontre, avec un ou deux paragraphes d’amorces narratives composées et proposées par le romancier Daniel Picouly.

     Voici les six textes que j’ai écrits en décembre 2018 et janvier 2019 pour ce concours inspirant et qui trouveront place dans le cinquième tome des Ailes des Châteaux. L’un de ces récits se retrouvera dans le livret des 47 finalistes dans sa version en moins de 6000 signes. A noter que le jury a retenu le texte construit selon des hypothèses, comme celui qui avait été retenu pour le livret de la première édition, deux ans auparavant.

     Allez, montez à bord de ces textes, en voiture, Simone, avec Maurice et votre serviteur ! Cordipoeti et récits Laurent Desvoux-D’Yrek ce 22 avril 2019.

+LaurentetPicoulyriant

+Laurent3Det2livres

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 **

1) Pourquoi qu’ils gourent ?

2) Vert-Galant, Fontenay-aux-Roses, vers galants ou fontaine aux proses !

3) Maurice ne saura jamais (récit finaliste parmi les 47 textes finalistes, version complète)

4) Robinson et Le Café des évadés

5) Les Jours rencontrés

6) Cette photographie et que je ne fis pas

7) Maurice ne saura jamais (récit finaliste parmi les 47 textes finalistes, version sous les 6000 signes)

**

     1) Pourquoi qu’ils gourent ?

      La journée passa comme dans un rêve, sans rien d’extraordinaire, sauf pour le temps qui a passé, qui a filé, qui a couru comme un galop de souvenances.

      Le lendemain submatutinal, un jeudi vingt, il arriva au rendez-vous de prise en main du RER avec un bon « bus » d’heure d’avance et son regard fit, à peine, à songe, attention au nom complet et changé à la lettre : « Laplage – Maison des examens ». 

      Bonjour, je juppose gue vous êtes Maurige, je guis Fabrige, votre formateur, je vous attendais. Egxaminer, nous devons egxaminer votre gurrigulum vitae, vos gartes de gonduite, vos états de servige et l’état des voies gomme ja respire. Enfilez ce gilet orange et gourgeons ge lapin blanc.

      Maurice n’eut pas le temps de demander quel lapin blanc, il suivit Fabrige avec son gilet orange aussi, mais tirant vers le pamplemousse, qui faisait comme un feu follet devant lui après des échelons en nombre qui menaient aux doubles rails.

      - On va inspecter jusgu’au pont, le pont d’Argueil !

      - Dites donc, Monsieur Fabrige, y en a des choses sur les travées d’Arcueil-Cachan !

      - Oh oui, vous javez raijon, des ganettes jetées, ganettes gitrons d’Argueil ganettes gui pétillent à Gachan, des gartes à jouer  pigue ou garreau à Bourg-la-Reine-de-Goeur, goguillages et grustagés à Robingeon, des journaux abandonnés dans leur nuit de faits hivernaux, des géants petits soldats en plastigue doré ou gris, des lettres gui ont disparu d’la girgulation, des allianges égarées gui ge retrouveront demain… deux mains… deux mains…

    ...Gertes, gertes, mais le plus ingroyable au début, g’est de voir tous ges gens, des geans domigile figze qui gourent sur les voies jusgu’à immobiliger tout le trafig ! Et geavez-vous pourguoi gu’ils gourent, japerlipopette !?

     - Je sais pas moi pourquoi qu’ils gourent, Monsieur Guy, euh Monsieur Fabrige, peut-être… parce qu’ils font erreur…, peut-être… parce qu’ils veulent faire comme tous les Franciliens de cette « Ligne de sauts » qui courent du domicile au travail et du travail… aux courses ?

     - Oui, euh, gertains, g’est juste parge gu’ils veulent rattraper leur chien, leur unigue gompagnon gui geait les gongeoler !, leur gamarade de longuemigère et de durable infortune, gui a pris partant pourtant la fidèle poudre d’esgampette ! D’autres… et geomme un Théophrage emporté gu’il est de broger des portraits, g’est parge gue…

       Mais Maurice n’entendit pas le propos couvert par le passage d’un train avec ce chapeau : « Denfert-R^. » sur la voie d’à côté.

     - Regardez, regardez, le lapin sable blanc d’Alige, il est là sur ge pont, au-dejus de la troigième arche ! ge bel aguedug en moyen de transport des geaux gourantes de trois ou guatre rivières loin du Gard et du Gardon  : la Vanne, l’Isis, le Lunain et le Loing !  Des rêvières, je vous dis !

     - Il est superbe ce pont debout, Monsieur Fabrige, je l’avais visité de fond en comble un jour de fête patrimoniale de toute la Vallée de la Bièvre à la Chevreuse ; mais, sauf votre respect, il ne s’agit pas d’un lapin blanc, on dirait plutôt une manière de chien Pluto qui cherche quelque chose ou quelqu’un !

     - Pergeonne n’est parfait ni parfaite, je ne vais dong pas vous morigéner Mongieur Maurige, au risgue des mots, à gourse éperdue du langage, au divin jeu des aiguillages, à goût de doute, de gouge et de gouget, le jour aux gieux roges d’après dodos va bientôt poindre à l’horigeon de gette Vallée de la Fièvre à bord de Flugtuat neg mergitur !

     Et nous geommes en retard pour votre prige de gonduite,  les gages joncs lents à venir, trèfle en retard et engore très loing, gi loing de pouvoir aggomplir le retour de Folly à Laplage ! Aveg le jourire, le jourire des voyageurs g’il vous plaît, et aveg Dino mon lapin-chien !

     Gette journée page gomme dans un rêve, geans rien d’egxtraordinaire, mais pour le temps gui a pagé, gui a filé, gui a gouru gomme un galop de geouvenanges !

     Au galop volant gui a fui de guatre mille gignes et des pougières d’étoiles, garagtères espages gompris ou gomprises !

 

    Texte y489 écrit par Laurent Desvoux-D’Yrek les 23 et 24 décembre 2018.

 

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        2) Vert-Galant, Fontenay-aux-Roses, vers galants ou fontaine aux proses !

 

Vers galants ou fontaine aux proses voici les mots que je propose

Je suis le conducteur Maurice et je suis à votre service

Vous mener à destination pour République ou pour Nation

J’étais un conducteur de bus à présent j’ai le Réseau plus

Des rames où je fais mes rimes transporter certes et j’anime

 

Je suis désolé cher public pour l’interruption du trafic

Rien ne vaut la présence humaine et ma voix pour vous n’est pas vaine

Nous allons régulariser et je vais vous improviser

Vers galants ou fontaine aux proses voici les mots que je propose

Je suis le conducteur Maurice et je suis à votre service

 

Si je ne chante pas ma voix la nave va

Fontaine aux proses vers galants nous irons vers

Le programme du jour que vous alliez en cours

Bureau ou promenade on reste pas en rade

Je vous le promets bon promettre c’est chanson

 

Par mes mots mes rythmes mes vannes je suis le renard comme l’âne

Le corbeau et le rossignol comme un aubergiste espagnol

Je fais mes fables avec vous et vous inspirez mes vers doux

Peut-être n’entendez-vous pas le regard vers les voies

Sur chaque oreille un écouteur ou vos propos ou la rumeur

 

Vers galants ou fontaine aux proses voici les mots que je propose

Je suis le conducteur Maurice et je suis à votre service

Un contact avec le public voici le service public

De la bonne humeur à gogo du vert du bleu de l’indigo

A présent notre train repart le lapin blanc est en retard

 

Prochain arrêt la plage ! Eh oui c’est un voyage

La vie - et surprenant ! qui nous sort de nos plans

Et tout n’est pas tracé d’avance hors le passé

Je viens d’un coquillage et vous mène à ma plage

Vous invite au voyage ! à partir à la nage !

 

Mots galants fontaine de vers en conducteur du RER

Je vous mène Alice et Lesage au désir d’un autre voyage !

Vert-Galant Fontenay-aux-Roses de galants vers fontaine aux proses

Par l’aventure du langage arriver à une autre plage

Arriver plus loin que la page plus loin que pavés et qu’images…

 

    Texte y490 écrit par Laurent Desvoux-D’Yrek les 24 et 25 décembre 2018.

 

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      3) Maurice ne saura jamais (récit finaliste parmi les 47 textes finalistes, version complète)

 

     Maurice s’en alla pour le XXIe…, pas le XXIe siècle, il y était déjà et pour un bon bout de temps encore, non il prit la destination du « XXIe arrondissement », le Trouville-Deauville – les planches, les cabines de plages, les maisons balnéaires à belle façade, les mouettes à rire perçant et les livres de sable ainsi que des châteaux – chouette ensemble qu’il n’avait pas revu ou entendu depuis l’enfance. Laissons à sa conduite pour un instant Maurice, son habitué et d’autres passagers encore, qui vont apprendre sous peu le changement d’itinéraire à l’inédit du jour, l’ultime de Maurice sur cette ligne de bus qu’il avait tant aimée, surtout pour ses rencontres quotidiennes et surprenantes.

     Maurice ne saura jamais pourquoi la station s’appelle « La Plage », eh bien nous si, et vous aussi et - à moins que vous ne connaissiez Maurice -, lui ne le saura pas. Sauf si cette histoire se retrouve dans un livre entre ses mains, lui qui, dès demain, tiendra un RER à bout de bras, de Saint-Rémy-lès-Chevreuse jusqu’à l’aéroport au nom du Président-qui-a-fondé-la-Cinquième.

     Mais sais-je vraiment pourquoi la station de bus s’appelle « La Plage », alors que toute mer est à centaines de kilomètres… loin des vingt arrondissements de Paris et des vingt-neuf communes limitrophes. Ne devrais-je pas annoncer autrement la couleur de sable, d’or ou d’argent comme je vais vous inventer des hypothèses, parmi lesquelles peut-être se nichera la vérité. Et je ne vous demanderai pas de voter pour cette vérité, on vote pour une conviction, pour une action d’ampleur à mener. Et quel accès à la vérité avons-nous ou ai-je ? Moult Etats se battent pour un accès à la mer. Qui veut se battre pour un accès à un bord de vérité ? La vérité est un fleuve, une mer, un océan dont l’accès soit si primordial, qu’on ait à y masser des chars ou des barbelés. Mais je m’égare loin des gares et des stations.

     Alors… ma première hypothèse est que le romancier parcourant rapidement et distraitement la liste des quarante-sept stations de la Ligne B quand son œil gauche en divergence de son œil droit vit « La plage » au lieu de « Laplace », le nom d’un célèbre inconnu, un grand savant français de probabilités et de mécanique céleste, cela lui fit esquisser un sourire discret mais tenace : il tenait là l’amorce du paragraphe qui allait jouer le rôle de hameçon des récits et des dialogues. Car il croyait en la commutation des lecteurs et des auteurs, en la réversibilité de ces rôles et qu’un terme, qu’un seul terme de hasard ou de nécessité, de justesse ou de surprise, de lapsus ou de côté, quelques mots bien agencés pouvaient servir de catalyseur pour une histoire, de déclencheur pour mille histoires en réseau de signes et de lignes.

     Ma deuxième hypothèse est l’influence de « Paris-Plages » au plein cœur de Paris depuis soixante-quatre saisons, au long des berges récréatives, ludiques et improbables, au sortir d’au moins deux maxi-stations de la Ligne B : « Saint-Michel - Notre Dame » et « Chatelet-les-Halles » où les étés ont invité Parisiens et Banlieusards de tous poils, de tous âges et de toutes conditions sociales à profiter de ces plages, qui avec herbe ou sable fin qui avec des filets de jeux de ballons qui avec des coins lecture sous l’ombre de palmes, lorsque la possibilité de partir au loin, dans le rêve des congés payés de 36, s’absente ou s’éloigne et que la portance d’un Réseau Express apporte comme une compensation, un plan B ou un cadeau. Sur l’auteur féru d’enfance, de lieux en fusion dans son choix de nom de station…

      Ma troisième hypothèse est que cette station existe vraiment sur quelque ligne banlieusarde mais qu’au départ la station s’appelait sobrement, simplement, couramment « La place » - mais que fut adoptée à l’époque une police de caractères où le c et le g étaient fondus quasiment sur la même pièce de typographie et que par la suite avec une autre police « La place » fut changée en « La Plage » (peut-être pourrions-nous à ce sujet solliciter la police des polices de caractères pour identifier si ce fut du Garamond, du Gill, du Papyrus, du Trébuchet…, du Clemens, ou du Mystère et boule de gomme…) et que l’exotisme d’une telle appellation ne fut pas pour déplaire et dans ce quartier tout entier dévolu aux fleurs-artistes, « La Plage » apparaissait comme une algue, une étoile-de-mer ou une invitation au rêve et au voyage, une occasion de constater que le quotidien est lui-même objet de questionnements, un lieu, un temps d’énigme ou de mystère…

     Ma quatrième hypothèse est que cette station s’appelait « La Page » en relation avec l’œuvre qui ornait la place pendant vingt-quatre ans, une sculpture représentant un écrivain devant sa feuille blanche au moment où les muses se penchent sur son épaule pour contrer son angoisse de ne pouvoir rien faire advenir : ni récit, ni description, ni hymne ni satire, ni lettre ni chanson, ni émotion en vers ou prose. Or l’œuvre de bronze avait été retirée pour des raisons de dégradations et envoyée au « pilon ». On ajouta une lettre au milieu de « La Page », car s’il devait y avoir des questions sur la raison de ce nom bizarre, autant y ajouter la connexion du rêve estival et du festival Roses-Manet.

     Ma cinquième hypothèse est que le nom initial de la station « La plage de silence » faisait s’interroger plus encore les passagers - et les conducteurs qui ont précédé Maurice avaient du mal à se concentrer sur la conduite, on était loin du silence évoqué, - alors que la signalétique « Défense de parler au chauffeur » roulait de gros yeux et que la cité Dahlias-Mozart ou Bégonias-Beethoven envoyait déjà du son, son, son à foison et qu’à l’instant, sur l’aile,  la lucarne du petit écran m’apprend en clignotant qu’un jeune garçon est miraculeusement sorti indemne d’une spectaculaire avalanche à « La Plagne »…

     Et ne vous ai-je livré ici qu’une main d’hypothèses, vous pouvez en dessiner une autre, une seconde, et deux pieds pour finir mais sans appuyer sur le champignon, fût-il de Paris… Je m’appelle Désart, c’est heureux et beau-hasard de porter le nom d’un pont de ma grande ville d’Île-de-France. Quant à Maurice, son prénom, in fine, me fait penser à l’île éponyme dont les « plages de sable blanc, frangées de cocotiers » figurent parmi les plus belles du monde. À vous de vérifier en prolongeant le voyage du RER B - comme l’authenticité et la véracité de cette assertion du grand Mark Twain ou de son feu jumeau : « L’île Maurice fut créée d’abord, et ensuite, le paradis fut copié sur l’île Maurice.» Aux plages fantastiques aux bords pavés d’oursins et de coraux où vous êtes priés de ne pas vous blesser…

     Texte y492 écrit par Laurent Desvoux-D’Yrek sur deux départements franciliens le 27 décembre 2018. Peaufiné du 28 au 31.

 

RER B BLR champetreLa photo à l'envers, le ciel en haut quand même ! Photo et alexandrin Laurent 3D55

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           4) Robinson et Le Café des évadés

 

     « Prochain arrêt : La Plage ! » Maurice sourit. Il y a un arrêt, mais toujours pas de plage. Juste de la ville. Qui a bien pu donner ce nom à cet arrêt ? Maurice n’aura pas la réponse. C’est son dernier jour au volant de son bus. « Prochains arrêts : Laplace, Luxembourg, La plaine Stade de France, Sevran Beaudottes, Aéroport Charles de Gaulle. » Demain, Maurice conduira une rame du RER B. Un aiguillage en forme de rêve … ».

      « Clignotant. Maurice n’a qu’un regret. Il n’a pas retrouvé le film dans lequel un autobus s’échappe à la mer. Du noir et blanc. Année cinquante. Un autobus à plateforme. Maurice avait promis ce titre à un voyageur. Un habitué. Il monte à « La Plage ». Il faut tenir ses promesses. Gamin on lui avait promis la mer. Il ne l’avait jamais vue. Et après. Ça ne compte pas. Voilà l’habitué. Ouverture des portes. Bonjour ! Fermeture. Clignotant. « Alors monsieur Maurice, vous avez retrouvé le titre du film ? Tant pis. Demain ! » Maurice s’en veut. Il n’y aura pas de demain. Feu rouge. « Attendez, j’ai mieux. Et si on allait à la mer ? » Le feu passe au vert… » - Deux paragraphes d’amorces narratives composées et proposées par le romancier Daniel Picouly.

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     À la mer ! non j’ai pas mieux, Maurice, mais j’ai hôte-chose à proposer, je vais vous amener, si vous le permettez, au « Café des évadés ». Allez, laissez-vous guider, vous prenez deux rues à gauche, puis une rue à droite. Là, c’est marqué « Impasse de l’avenir », mais en fait il y a un passage. On va descendre ici, un peu plus loin il y a ce café, j’y suis arrivé il y a trente-trois ans, comme un « Robinson » naufragé des jours et c’est pourquoi on m’appelle Robinson et tu peux m’appeler Robinson, Maurice, ça me fera plaisir. Ce café porte ce drôle de surnom, car nombre des évadés de la vieille prison de Fresnes trouvaient ici un abri provisoire, pour poser leur mal, jusqu’à ce que ce passage obligé soit identifié aussi par la maréchaussée. Dans ce café, j’ai pu fréquenter Le Chinois d’Or, deux membres du gang Le Pastiche et un gars qui a accueilli dans son chez lui transformé en cache l’ex-ennemi public numéro un. Maintenant ça s’est calmé et La grande évasion passe par d’autres pistes. A la caisse, la belle Eva et son industrieux Vendredi vendent des cigarettes dont les fumées et les cendres roulent ou s’enroulent dehors et des tickets perdants par milliers - quelques-uns de gagnants, ça fait un peu de rêve et d’évasion.

     Dans ce café, il y a eu longtemps une photo signée par Aznavour, Ma Bo-hè-me, il avait un ami qui créchait par ici et allait le chercher à Orly. Non pas le dimanche ou pas que je sache, surtout que c’est le jour de fermeture dans ce rade. Ce café s’appelle « Les Regrets », j’ai jamais su pourquoi, y en a un qui m’a dit que c’était de la poésie, comme pas loin y a le collège Ronsard et l’allée Baudelaire. Parfois y a un gars à cette table-là qu’a toujours des fiches où il note tout un tas de poèmes et il y a eu des embrouilles avec des gars du comptoir qui pensent qu’il écrit tout pour Big Grand Frère. Mais lui il s’en défend, il dit qu’il a besoin des rythmes et de humer la vraie vie avec des odeurs de café, de conversations du commerce et de bitume. Non ce n’est pas moi, ce gars, j’y ai jamais pris la moindre feuille pour écrire, je suis plus à l’école avec des ardoises ou les tablettes, non moi je suis Robinson et chaque jour dans ce café je vois le temps, je goûte le temps qui passe doucement et qui s’évade par moi et avec moi. Et c’est à la fois un délice et un supplice dans la vallée.

     Et c’est là qu’est ma demeure entre le « Quartier des Fleurs » et le « Quartier du Petit Robinson ». C’est là qu’est mon île et c’est devenu mon pays, vous comprenez Maurice, même si un Bateau-Ville accostait devant la terrasse pour me proposer le voyage de retour ou si avion d’Orly prenait cette rue pour atterrissage momentané, je ne monterais pas à bord. Et si un hélico se posait là à deux mètres avec un évadé tout frais, je ne prendrais pas sa place pour trouver l’aventure dans un ailleurs ou un autrefois. Et si ailleurs, autrefois, plus loin, plus tard, il y a un soleil qui brille plus fort et que la misère y semble plus supportable, c’est ici, Maurice, que j’ai mes rendez-vous de jours après jours avec la vie. Et ton bus, Maurice, oublie pas de le rentrer au dépôt. Autrement, ils pourraient venir te coffrer. Allez, je t’offre le café, le chocolat ou la menthe à l’eau de tes rêves et retour au passage de l’Impasse de l’avenir…

 

     Texte y496 écrit par Laurent Desvoux-D’Yrek en Île-de-France « Place de la Gare », au Bord du RER B, le 2 janvier 2019. Peaufiné le 3 dans le Val-de-Marne.

 

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         5) Les Jours rencontrés

 

      Et je rêve… oui je rêve sur les noms des stations, je suis le robin… robinson. Je quitte la place et je quitte le bagne. Et je vais plus loin même que Châtelet-les-Pagnes… Plus loin que les plaines mornes ou viornes…, plus loin que les sous-bois…, que les expositions de claies de myrte ou de myrtilles... Et je rêve que si je fais rencontre, ce ne soit seulement de Vendredi après naufrage…, échouage…, sur quelque plage ... Je rencontre aussi Monsieur Lundi à la station Arcueil qui demande si ça va comme… si ça va commun… sur le seuil. Je rencontre Madame Mardi sur le quai de Gentilly, seuls nous savons pourquoi elle m’a souri. Je rencontre les frère et sœur Mercredi à un tourniquet de Port-Royal qui rêvent de faire partie de nouvelles finales du handball international.

     Je rencontre, assise au milieu de la semaine et de mon RER, Mademoiselle Jeudi Garland à qui je dis ou je dirai des vers galants, des vers gentils et Que faites-vous ce samedimanche ? Ça vous dirait, à Saint-Rémy-lès-Chevreuse, au chemin de Jean Racine ou de Michel Tournier, des acrobaties verbales, verticales, dans les branches ? À regarder comme penche le ciel jusqu’à la venue des étoiles. Et à rêver… ensemble… sur les noms des étoiles… au galop tendre et étincelant des Cavales !

 

     Texte y503 écrit par Laurent Desvoux-D’Yrek notamment dans les transports, notamment dans le RER B le 7 janvier 2019. Peaufiné à Paris le 8.

 

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        6) Cette photographie et que je ne fis pas

 

     J’avais repéré dans l’un des vastes couloirs du RER B :  Luxembourg ? Saint-Michel - Notre Dame ? Châtelet-les-Halles ? Gare du Nord ? cette affiche bleue avec le mot RENCONTRE en grand pour un concours de nouvelles. Il s’agissait de continuer un paragraphe concernant mon copain Maurice, conducteur de bus dans ma banlieue sud, et que je taquine chaque jour au sujet des noms improbables de ses stations La plage, La montagne, Le volcan, La face cachée, Le rêve en lui demandant à chaque fois la nécessité de ces noms en fonction des lieux urbains traversés à mille lieues et lieux d’une plage, d’une montagne, d’un volcan, d’une face cachée et d’un rêve… car tout avait changé à la RATP lorsqu’il m’avait enfin embauché, après plus de vingt ans de demandes réitérées, dans leur service de communication en tant que poète et fournisseur privilégié de noms de stations poétiques et d’alexandrins métropolitains à entrain, mais je n’en avais soufflé mot à Maurice…

     Et juste sous l’affiche, alors que de part et d’autre les gens pressés se croisent en marches et courses efficaces, il y avait cette Dame, depuis des années déjà je la voyais dans son fauteuil roulant, en train de faire la manche, avec parfois, près des roues, des détritus de canettes ou de sachets. Une dame âgée avec un grand regard fatigué qui venait de loin et avait l’air de retomber inexorablement. Il y a deux ans à peu près, elle avait un panneau où elle avait écrit ce message « J’enterre ma sœur » qui m’avait fendu le cœur et me paraissait allier misère et mystère, comme peut-être toute vie humaine, en quelques fenêtres entrouvertes. L’affiche « RENCONTRE » avait alors un côté ironique et semblait en raccourci un poème en prose de Charles Baudelaire en une image sociale et appel à la fraternité, par-delà les barreaux des relations et conditions d’êtres se pensant foncièrement différents (en me relisant j’essaie de me représenter « l’autre côté » de l’affiche, comme on s’aventure outre miroir…). Je repasserais, me disais-je, pour la prochaine fois, avec mon smartphone dernier cri et le nombre impressionnant de ses pixels, accomplir cette photographie, cette image unique, qui peut dire bien plus que des mots, des phrases, des vers, des discours ou des volumes. Oui mais…

    Pour ce, me ferais-je voleur de cette photo ? Appuierais-je pour déclic sans demander l’autorisation ? De quel droit ferais-je entrer dans la vie des expositions mondiales des réseaux sociaux et des toiles numériques cette personne peut-être Sans Domicile Fixe ? Lui achèterais-je pour quelques pièces, quelques canettes, quelques sachets mon sésame photographique ? Devrais-je choisir un angle où l’on ne verrait pas le visage, mais seulement la silhouette et le contexte ? Ne serait-ce pas là l’occasion vraiment de rencontrer cette personne, d’entrer dans un échange véritable où nous nous conterions, en prenant le temps, nos parcours, nos obstacles, nos chutes, nos secours, nos destins ? Permettrais-je à cette personne de devenir l’icône de notre monde qui balance entre solitude et solidarité ? Cette rencontre ne serait-elle là que pour alimenter mon récit ou pour donner quitus à ma conscience qui a tendance à s’agiter ? Une discussion pour une photo ?! (Le soir-même, en revenant de Paris, j’ai demandé son prénom à cette dame et aux sons qu’elle s’efforçait vainement de formuler, je crus comprendre qu’elle était muette.)  Je m’étais posé le même cas de conscience il y a plusieurs mois lorsque je fus tenté de prendre un cliché - de voir dormant dans une encoignure de porte entre un bel immeuble et un beau magasin de centre-ville un mendiant alcoolisé, sous les mots durs « NE PAS ENCOMBRER LA SORTIE ».

 

     Texte y507 écrit par Laurent Desvoux-D’Yrek à Paris le 9 janvier 2019.

 

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      7) Maurice ne saura jamais (récit finaliste parmi les 47 textes finalistes, version sous les 6000 signes)

 

    Maurice s’en alla pour le XXIe…, pas le XXIe siècle, il y était déjà et pour un bon bout de temps encore, non il prit la destination du « XXIe arrondissement », le Trouville-Deauville – les planches, les cabines de plages, les maisons balnéaires à belle façade, les mouettes à rire perçant et les livres de sable ainsi que des châteaux – chouette ensemble qu’il n’avait pas revu ou entendu depuis l’enfance. Laissons à sa conduite pour un instant Maurice, son habitué et d’autres passagers encore, qui vont apprendre sous peu le changement d’itinéraire à l’inédit du jour, l’ultime de Maurice sur cette ligne de bus qu’il avait tant aimée, surtout pour ses rencontres quotidiennes et surprenantes.

     Maurice ne saura jamais pourquoi la station s’appelle « La Plage », eh bien nous si, et vous aussi et - à moins que vous ne connaissiez Maurice -, lui ne le saura pas. Sauf si cette histoire se retrouve dans un livre entre ses mains, lui qui, dès demain, tiendra un RER à bout de bras, de Saint-Rémy-lès-Chevreuse jusqu’à l’aéroport au nom du Président-qui-a-fondé-la-Cinquième. Mais sais-je vraiment pourquoi la station de bus s’appelle « La Plage », alors que toute mer est à centaines de kilomètres… loin des vingt arrondissements de Paris et des vingt-neuf communes limitrophes. Ne devrais-je pas annoncer autrement la couleur de sable, d’or ou d’argent comme je vais vous inventer des hypothèses, parmi lesquelles peut-être se nichera la vérité. Et je ne vous demanderai pas de voter pour cette vérité, on vote pour une conviction, pour une action d’ampleur à mener.

     Alors… ma 1ère hypothèse est que le romancier parcourant rapidement et distraitement la liste des quarante-sept stations de la Ligne B quand son œil gauche en divergence de son œil droit vit « La plage » au lieu de « Laplace », le nom d’un célèbre inconnu, un grand savant français de probabilités et de mécanique céleste, cela lui fit esquisser un sourire discret mais tenace : il tenait là l’amorce du paragraphe qui allait jouer le rôle de hameçon des récits et des dialogues. Car il croyait en la commutation des lecteurs et des auteurs, en la réversibilité de ces rôles et qu’un terme, qu’un seul terme de hasard ou de nécessité, de justesse ou de surprise, de lapsus ou de côté, quelques mots bien agencés pouvaient servir de catalyseur pour une histoire, de déclencheur pour mille histoires en réseau de signes et de lignes.

     Ma 2e hypothèse est l’influence de « Paris-Plages » au plein cœur de Paris depuis soixante-quatre saisons, au long des berges récréatives, ludiques et improbables, au sortir d’au moins deux maxi-stations de la Ligne B : « Saint-Michel - Notre Dame » et « Chatelet-les-Halles » où les étés ont invité Parisiens et Banlieusards de tous poils, de tous âges et de toutes conditions sociales à profiter de ces plages, qui avec herbe ou sable fin qui avec des filets de jeux de ballons qui avec des coins lecture sous l’ombre de palmes, lorsque la possibilité de partir au loin, dans le rêve des congés payés de 36, s’absente ou s’éloigne et que la portance d’un Réseau Express apporte comme une compensation, un plan B ou un cadeau. Sur l’auteur féru d’enfance, de lieux en fusion dans son choix de nom de station…

      Ma 3e hypothèse est que cette station existe vraiment sur quelque ligne banlieusarde mais qu’au départ la station s’appelait sobrement, simplement, couramment « La place » - mais que fut adoptée à l’époque une police de caractères où le c et le g étaient fondus quasiment sur la même pièce de typographie et que par la suite avec une autre police « La place » fut changée en « La Plage » (peut-être pourrions-nous à ce sujet solliciter la police des polices de caractères pour identifier si ce fut du Garamond, du Gill, du Papyrus, du Trébuchet…, du Clemens, ou du Mystère et boule de gomme…) et que l’exotisme d’une telle appellation ne fut pas pour déplaire et dans ce quartier tout entier dévolu aux fleurs-artistes, « La Plage » apparaissait comme une algue, une étoile-de-mer ou une invitation au rêve et au voyage.

     Ma 4e hypothèse est que cette station s’appelait « La Page » en relation avec l’œuvre qui ornait la place pendant vingt-quatre ans, une sculpture représentant un écrivain devant sa feuille blanche au moment où les muses se penchent sur son épaule pour contrer son angoisse de ne pouvoir rien faire advenir : ni récit, ni description, ni hymne ni satire, ni lettre ni chanson, ni émotion en vers ou prose. Or l’œuvre de bronze avait été retirée pour des raisons de dégradations et envoyée au « pilon ». On ajouta une lettre au milieu de « La Page », car s’il devait y avoir des questions sur la raison de ce nom bizarre, autant y ajouter la connexion du rêve estival et du festival Roses-Manet.

     Ma 5e hypothèse est que le nom initial de la station « La plage de silence » faisait s’interroger plus encore les passagers - et les conducteurs qui ont précédé Maurice avaient du mal à se concentrer sur la conduite, on était loin du silence évoqué, - alors que la signalétique « Défense de parler au chauffeur » roulait de gros yeux et que la cité Dahlias-Mozart ou Bégonias-Beethoven envoyait déjà du son, son, son à foison…

     Et ne vous ai-je livré ici qu’une main d’hypothèses, vous pouvez en dessiner une autre, une seconde, et deux pieds pour finir mais sans appuyer sur le champignon, fût-il de Paris… Quant à Maurice, son prénom, in fine, me fait penser à l’île éponyme dont les « plages de sable blanc, frangées de cocotiers » figurent parmi les plus belles du monde. À vous de vérifier en prolongeant le voyage du RER B - comme l’authenticité et la véracité de cette assertion du grand Mark Twain ou de son feu jumeau : « L’île Maurice fut créée d’abord, et ensuite, le paradis fut copié sur l’île Maurice.» Aux plages fantastiques aux bords pavés d’oursins et de coraux où vous êtes priés de ne pas vous blesser…

 

      Texte écrit par Laurent Desvoux-D’Yrek, qualifié parmi les 47 récits finalistes du concours de nouvelles du RER B, 2e édition.

*

Passages retirés pour passage sous les 6000 signes :

     Et quel accès à la vérité avons-nous ou ai-je ? Moult Etats se battent pour un accès à la mer. Qui veut se battre pour un accès à un bord de vérité ?

    La vérité est un fleuve, une mer, un océan dont l’accès soit si primordial, qu’on ait à y masser des chars ou des barbelés. Mais je m’égare loin des gares et des stations.

    une occasion de constater que le quotidien est lui-même objet de questionnements, un lieu, un temps d’énigme ou de mystère…

     et qu’à l’instant, sur l’aile,  la lucarne du petit écran m’apprend en clignotant qu’un jeune garçon est miraculeusement sorti indemne d’une spectaculaire avalanche à « La Plagne »…

     Je m’appelle Désart, c’est heureux et beau-hasard de porter le nom d’un pont de ma grande ville d’Île-de-France.

 

**

 

UN LIKE DE SOUTIEN SUR RATP.FR

ET GRAND SUCCES DES RÉCITS DE COLLÉGIENS DE SAINTE-E !

 

      Voici le lien internet pour apporter un like en soutien à « Laurent professeur », de Sainte-Elisabeth, parmi les portraits de passagers ayant eu quelque chose à raconter au sujet de la RATP, je leur ai dit que je faisais participer mes élèves aux concours de la RATP en poésie et en prose et qu’il pourrait y avoir encore plus de poésie dans le métro !

     Et cette année 7 des 8 finalistes jeunesse du concours de nouvelles du RER B sur le thème de La Rencontre, avec Daniel Picouly, en romancier  président du jury, sont des élèves du collège Sainte-E ! 

     Alors, si vous le voulez bien, aimez l’histoire de Laurent, voyageur du RER B, lien à copier-coller dans la barre de votre moteur de recherche :

https://70ans.ratp.fr/portraits/laurent-4/

 

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70 ans de la RATP Making of des rencontres de voyageurs

https://70ans.ratp.fr/70-ans-et-toujours-plus/

 

     « À l’occasion de son anniversaire, la RATP met à l’honneur ses salariés et ses voyageurs à travers leurs histoires avec l’entreprise et dans les transports !

    L’objectif ? Représenter tous ceux qui ont un lien et une histoire avec la RATP !

      A l’occasion de séances photos organisées sur le réseau, vous avez été nombreux à venir nous raconter votre lien avec la RATP ! Merci pour les souvenirs, les rencontres et toutes les anecdotes que vous avez pu partager avec nous. Vous pourrez bientôt retrouver tous les portraits de voyageurs réalisés par le photographe Patrick Messina dans la galerie des 70 ans sur le site.

     Une sélection de photos fait déjà l’objet d’une exposition «Histoires de salariés» en ce moment à la Maison de la RATP et une cinquantaine de portraits de voyageurs fera partie d’une fresque photographique «70 ans de la RATP, 70 ans d’histoires» qui sera affichée dans le métro à partir de mars 2019. Les portraits des salariés et des personnalités publiques sont aussi en ligne ! »

 

   Vous pouvez aussi suivre l’actualité des concours de poésie RATP :

https://www.ratp.fr/tag/poesie

 

                            **

 

https://www.rerb-leblog.fr/concours-de-nouvelles-voici-les-gagnants/

 

      « Hier soir, s’est déroulée la remise des prix de la deuxième édition du Concours de nouvelles au Centre National du Livre à Paris en présence du parrain et président du concours, le romancier Daniel Picouly. L’identité des sept lauréats a été dévoilée. La présence du parrain a été très appréciée par tous les participants : échanges sur les nouvelles, sur leur projets littéraires, dédicaces et séances photos.

     Cette édition du concours de nouvelles fut un beau succès puisque plus de 360 amateurs se sont prêtés au jeu. L’équipe du RER B ainsi que les jury du concours et son président se sont réjouis de la qualité des nouvelles reçues. 

     Ainsi, le jury a sélectionné 47 textes, nombre qui fait référence aux 47 gares desservies par le RER B, publiés dans un recueil de plus de 136 pages. … »

     Le Blog du RER B, ici la page du 25 avril 2019.

 

 

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Les Jours, les Vers et les Années par Laurent Desvoux
  • De 1989 à nos jours, des poèmes de Laurent Desvoux à s'offrir ou à offrir pour 1 jour d'un anniversaire, d'1 naissance, d'1 événement, d'1 fête. Avec "Les Jours, les Vers et les Années" repérez le poème qui correspond au jour de l'année choisi, savourez
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