LES JOURS, LES VERS
ET LES ANNÉES
- Jour après jour, vers après vers,
mais après… vous
Une épopée au quotidien
par Laurent Desvoux
PRÉSENTATION MODE D’EMPLOI ET HISTORIQUE
Cette aventure commence fin 1988 par l’achat d’un agenda comprenant le mot « ciel » dans sa marque, comportant une page par jour pour l’année qui allait venir : 1989. Intuition ou hasard circonstanciel : cette année-là allait, avec la chute du Mur de Berlin notamment, se révéler être un temps pivot pour la fin du vingtième siècle. Dès le démarrage, ce recueil suit le principe simple de l’écriture d’un vers chaque jour et chaque année. Un premier recueil de 365 sonnets a été établi sur 14 ans de 1989 à 2002 inclus. Chaque vers s’ajoute à un vers composé l’année antérieure. Un premier quatrain s’est écrit sur quatre années de 1989 à 1992. Un premier tercet a été établi de 1993 à 1995. Un second tercet a été ajouté de 1996 à 1998 et un second quatrain de 1999 à 2002. Fin 2002 j’ai numéroté ces 365 sonnets parmi l’ensemble de mes textes.
La présentation des strophes ne suit pas l’ordre habituel des sonnets : j’ai voulu donner un ordre cyclique, une construction symétrique d’embrassement des tercets par les quatrains qui tentât de contrer l’avancée inexorable du temps. Les poèmes de chaque jour comportent en titre le jour de la semaine et du mois, plus l’indication de la fête du jour, souvent donnée avec son abréviation : j’ai respecté la présentation de tête de mon agenda. En tête de chaque vers, pour chacun des 365 textes figure l’année d’écriture.
Les textes sont construits sur le cycle de la semaine telle qu’elle apparaît pour la première année : tous les lundis affichés viennent des octosyllabes, tous les mercredis des vers longs, tous les samedis des vers en rapport avec l’actualité, parfois prélevés dans les journaux, les mardis, jeudis, vendredis et dimanches affichés c’étaient les jours des vers alexandrins. Année après année les jours de la semaine sont en décalage et un même sonnet d’un même jour d’année aura été composé sur des jours de semaine différents, parfois nommés dans le texte.
Ce recueil suit les événements de la société et du monde, mais aussi les étapes de ma vie, il est devenu un journal, un miroir de mes jours, un compagnon au long cours qui parle peu par jour, mais de façon régulière et tenace. Ce journal quotidien qu’un poète musicologue a rapproché des « diaires » latins prend à la lettre la formule latine : « Nulla dies sine linea », pas un jour sans ligne que les Romains appliquaient à la peinture et que les Français reprennent pour l’écriture à la faveur des sens de « ligne ».
J’ai essayé de respecter le principe d’un vers par jour au jour dit, écrire un vers par jour à la suite d’autres vers peut paraître facile et peu contraignant, mais il fallait tout de même que ma journée à une minute sur 3600 rencontrât mon agenda, jamais très loin, il m’est arrivé souvent sur les 14 années de devoir rattraper en un jour plusieurs jours laissés blancs. Le défi est de compléter des strophes commencées sur d’autres années et de se remettre dans une écriture antérieure, de reprendre le fil d’un texte en attente et en construction année après année.
L’écriture est à la fois verticale puisque continuation de vers d’autres années écrits au-dessus et à la fois horizontale, puisque elle suit l’écriture des vers des jours précédents. On a traditionnellement comparé le travail du poète à celui du paysan qui laboure son champ en retournant le soc pour commencer un nouveau sillon. Dans ce recueil le sillon se prolonge de sonnet en sonnet sur 365 textes-jours avant de passer au suivant au virage de l’année. Ainsi « vers » et « prose » sont convoqués ensemble selon leur étymologie : le premier vient de « vertere », tourner, le second de « prosa oratio » « discours qui va en droite ligne, sans inversion », qui va de l’avant.
J’ai en quelque sorte assuré un maillage, un tricotage des vers par compléments et reprises des vers supérieurs des mêmes jours et reprises de mots et de thèmes traités dans les jours précédents. La fête ou le saint du jour ont servi de lien entre les vers et les années en donnant lieu à des développements de jeux sémantiques et sonores avec des paronymes et des homophones à foison au fil du texte. Les premiers vers donnent un jeu de rimes reprises avec insistance tout au long du texte pour assurer également une continuité et une unité sonore (les jours à événements de société sont généralement exceptés de ces rimes). Les vers portent une poésie qui tantôt s’élève vers un lyrisme échevelé osant les images en apesanteur, et tantôt évoque avec familiarité et simplicité un fait du jour personnel ou collectif, lié aux saisons ou aux moments vécus.
En 2003 j’ai proposé vainement ce recueil pour édition et j’ai laissé reposer mon ensemble jusqu’à fin 2006. L’éclosion décisive d’internet, dont j’avais depuis longtemps entrevu les possibilités littéraires notamment pour le champ poétique, mais dont j’étais resté en retrait sans prendre ce train de modernité en marche, m’a donné envie de mettre mon recueil sur la Toile pour l’y faire connaître, puisqu’il me semblait que sa composition se prêtait tout à fait à ce nouveau média. Je me suis alors dit que je pouvais reprendre ce recueil, et lui donner une suite journalière, mais en faisant plus d’un vers par jour.
Ainsi en 2007 j’ai composé, directement sur mon ordinateur et non plus sur l’agenda de 1989 qui était complet, un tercet par jour. J’ai composé quatre distiques de 2008 à 2011 et je finis provisoirement par un tercet quotidien en 2012, en tentant d’apporter le maximum de densité poétique à cette clausule. Pour ce second (ou deuxième ? avec une pause en 2013) cycle de sonnets, ce sont les tercets qui embrassent les quatrains.
L’été 2007 j’ai créé un blog comportant essentiellement ce recueil en cours et j’y ai placé au fil des mois les textes actualisés. L’internaute est invité à visiter les pages dont les dates le retiennent pour lui-même, pour sa famille, ses collègues ou ses amis : jours de fêtes, d’événements, d’anniversaires, et même de naissance pour ceux qui sont nés depuis janvier 1989… J’y placerai peut-être aussi des pièces d’autres grands ensembles que j’aime à constituer au fil des années, comme les éléments de Temporèmes, avec Calendivers incluant tous les autres travaux sur le calendrier : Le Grand semainier fondé sur l’égrenage des jours de la semaine, Neuf comme le jour sur celui des jours du mois ou Jours de Saisons, repris chaque jour entame des quatre saisons.
Ainsi Le Grand Recueillir comporte-t-il vingt et un recueils à ce jour, c’est un travail sur le vers blanc depuis 1986. Pari(s) station(s) poésie(s), à l’intérieur du Ciel des Titres, comporte autant de tercets que de stations dans le métropolitain francilien. Ma somme de surécriture dont Sonnets surlittéraires s’enrichit de travaux sur les poètes du patrimoine poétique francophone que j’apprécie. D’autres sonnets forment Les Sonnets de 7 lieux rassemblant des centaines de textes rangés par lieux de composition, comme les cafés ou les transports. Quant au Géant petit théâtre de Po et Zi, il attend au minimum mille sonnets dialogués pour mises en scènes ou mises en voix. Mises en voix et en musiques qu’attendent environ mille six cents chansons dont je suis parolier depuis 1990.
Le titre du présent ensemble m’est venu rapidement dès la première année Jour après jour, vers après vers. Je l’ai complété, pour formation d’un alexandrin trimètre romantique, une autre année de mais après vous, devenu mais mais après… vous pour signifier avec cette formule empruntée à la politesse que j’entendais que mes lecteurs donnent suite au recueil après le premier sonnet d’années achevé. Cette suite est remise à plus tard, comme j’ai repris le recueil. Il y a quelques jours, j’ai ajouté un sous-titre «Une épopée au quotidien» eu égard à la masse de vers totale importante relativement à l’investissement minimal quotidien. Comme j’écris un, deux ou trois vers pour ce recueil, j’écris un, deux ou trois textes par jour, mais chaque jour. Chaque fourmi-journée apporte son fétu. A force de régularité, de travail, d’obstination, d’entêtement, de constance, un projet a pris corps, un recueil a pris de l’étoffe et du sens apporté parfois par l’Histoire, souvent par la vie, par un quotidien au long souffle des jours et des années.
Le recueil au premier jour de l’année 2010 est devenu Les Vers, les Jours et les Années, puis Les Jours, les Vers et les Années, pour donner un effet d’enroulement spiralé entre le temps et l’écriture.
Le 11 février 2011, j’ai commencé un nouveau diaire « Les Années Zigs » où les années, même si elles sont clairement référencées ne sont pas livrées dans l’ordre chronologique, avec trois vers par jour et par année en prévision de 5 années d’écriture quotidienne, plus spécifiquement circonstancielle. J’ai prévu de lancer l’été 2012, un troisième diaire plus systématiquement organisé selon le nombre des syllabes journalières.
La poésie du XXIe siècle peut concilier la révolution numérique et la tradition poétique grâce aux lectures et écritures quotidiennes que facilite l’Internet. Les gens de l’ère numérique lisent des centaines d’informations par jour, rédigent journellement toutes sortes de sms, mails, articles de blogs, commentaires de forums ; j’invite les poètes à s’approprier ces nouvelles habitudes, quitte à les détourner ou les torsader, pour inventer leurs propres diaires. Le Net est un Monsieur Jourdain qui pense ne parler que la prose, alors que les vers animent et animeront les écrans, pour peu qu’une forme poétique assumée, à reprendre, changer ou inventer, vienne les y révéler, accueillir, susciter, inspirer.
Une édition sur support papier ou en livre numérique figure alors la halte sur le chemin d’un recueil en action, qui permet de prendre le temps de regarder les chemins parcourus en horizontales, verticales et obliques de lecture, dessinant un paysage poétique et vital pour épellation et approfondissement.
Texte 18 806 écrit « alâmaison et alordinateur » le dimanche 17 et le lundi 18 en août 2008. Complété le lundi 18 et le mardi 19 juin 2012.